Le discours du Président du Parti démocratique gabonais (PDG), déclamé lors de la célébration, le 2 avril 2023, du 55ème anniversaire de sa création, est un remake des précédents autour du thème de l’unité. Mais, sur le terrain, on assiste curieusement à de chaudes empoignades entre camarades aux ambitions mal maîtrisées.

Par Yann Essabe

À Bitam, dans le département du Ntem (Nord) et, à une échelle moindre, aux deuxième et troisième arrondissements de Libreville, les sabres sont portés en bandoulière par les camarades du Parti démocratique gabonais (PDG). Si l’image semble triviale, elle rend cependant compte de l’état du PDG et du climat anxiogène qui perdure au sein de certaines fédérations. Et c’est peu dire. Cette ambiance délétère est à rebours des discours du Distingué Camarade Président (DCP), Ali Bongo Ondimba, qui n’a de cesse d’appeler à l’unité du parti.

Comme une antienne, le champ lexical de l’unité structure pourtant les sorties du DCP : « Nous sommes une famille », « Le PDG est une famille », « Nous sommes dans l’inclusion et non l’exclusion », « Le PDG est dans l’addition et non la division », « Le PDG est une maison qui accepte tout le monde », « Nous devons nous montrer tolérants vis-à-vis des camarades qui, à un moment, se sont égarés mais sont revenus à la maison du père », etc.

Pourquoi ces appels ne sont-ils pas percutés ? « Parce qu’il n’y a pas un service après-vente », a répondu un hiérarque du parti des masses. Il ajoute : « C’est le travail du secrétariat exécutif du parti, plus précisément le secrétaire général qui doit vérifier l’effectivité ou l’implémentation de la volonté du DCP sur le terrain ». Mais visiblement le SG du PDG peine à discipliner ses troupes et assurer le « service après vente.

Dans l’absolu, on ne saurait sacrifier les instructions du DCP sur l’autel des ambitions personnelles. Le parti est au-dessus de tout et de tous. Dès lors qu’on y adhère, on s’efface pour le servir et servir son chef, quand bien même cela va à l’encontre de ses intérêts propres. Cette attitude de désobéissance (puisque ç’en est une) peut être assimilable à une fronde.

Si ces luttes d’influence et de positionnement ont atteint leur pic particulièrement au moment du retour des « brebis égarés » à la maison du père, aujourd’hui, c’est à qui vivra. Et les atermoiements du secrétaire général autour des nominations attendues au sein du PDG amplifient cet état de fait.

C’est le cas à Bitam où les camarades sont désespérants. Depuis le retour de René Ndemezo’o Obiang au PDG et sa nomination au poste de ministre d’Etat dans le gouvernement Bilie-Bi Nze, le parti et la ville de Bitam sont partagés en deux clans qui se regardent en chiens de faïence : les « Rénistes » et le groupe de Charles Mvé Ella, ministre de l’agriculture.

On parle de marches de soutien et de pétitions. Mais pas du parti et du DCP. Les uns marquent de leur absence les évènements politiques organisés par les autres. Or, seule la dynamique du parti doit prévaloir autour de son chef, Ali Bongo Ondimba. Aller aux élections dans un tel climat de tension, c’est prendre le risque de se faire harakiri.

Au deuxième arrondissement de Libreville, Jean Eyeghe Ndong a du mal à retrouver ses marques et à convaincre. S’il n‘y a pas (encore) de pétitions ni de marches comme à Bitam, on n’est pas loin non plus. Car, l’Estuaire, contrairement à ce qui a cours dans le Ntem où les politiques sont plutôt sanguins et éruptifs, les ressentiments sont plutôt étouffés, moins démonstratifs et brutaux. Et pour cause, la majorité des hommes politiques du cru sont liés par des attaches claniques et tribales dédaléennes.

Les camarades s’embrassent ainsi avec l’intention à peine dissimulée de donner un coup de poignard dans le dos du potentiel concurrent. Conséquence, plusieurs ambitions naissantes au deuxième arrondissement font entendre leurs voix. Nombreux n‘hésitent pas à mettre en avant les tribulations de leurs fils élus à la tête de la mairie de Libreville, pour justifier leurs votes (sanctions).

Enfin, à Oyem, avec le décès de François Engongah Owono dit Eboué, et même bien avant, des fractures déjà ouvertes se sont exacerbées entre différents héritiers politiques putatifs. Des arbitrages sont nécessaires. Tout comme aucun leadership clair n‘émerge pour une prise en main du parti dans cette partie du pays. Même si on peut louer l’énergie déployée par le Dr Guy Patrick Obiang Ndong, fils du terroir et ministre de la santé.
Mais, à l’évidence, il ne possède pas toutes les cartes de ce département réputé frondeur. Il est murmuré le retour de l’ex Premier ministre Daniel Ona Ondo, au terme de ses deux mandats à la tête de la Commission de la Cemac. Il a l’avantage de bien connaître le microcosme politique oyemois et woleu-ntemois. Les prochains jours seront cruciaux.